La nouvelle : Le voile : Elodie

Nous sommes en plein mois de décembre, derrière la fenêtre il y a  une cheminée qui ne demande qu’à être allumée, un salon avec deux fauteuils en cuir de poney et une télé rediffusant Willow pour la 9eme fois. Moi, j’ai l’air trop con, je suis dehors et je me pèle les miches.

J’ai oublié mes clés et mon amoureux ne rentre pas avant une heure. La conclusion est simple : Moi, Elodie, demain je me retrouve avec le nez rouge, de la morvine qui coule et du viks vaporub plein mon sous-pull. Pfff j’en ai marre d’être tête en l’air.

Mon amoureux arrive pile à l’heure, la ponctualité des mecs m’énervera toujours. Ils ne peuvent pas être en avance ces faignants. Il m’ouvre et me fait un bisou sur la bouche, il lui trouve un goût salé … Ca y est mon nez commence à baver.

Nous sommes le lendemain de ce jour de décembre. Mon nez vient de tripler de volume, un paquet de kleenex dans chaque narine je vais me voir dans la glace. AHhhhhhhhhhhhhhhh!  mais je ne peux pas me présenter à mon exam' comme cela. Il est neuf heures et j'ai un oral à 11h15', je suis foutue!

Aucune solution ne se présente à moi. Telle Rudolph, mon nez rouge éclaire le monde, ne sachant pas tirer un traineau le père noël n’acceptera jamais de me prendre en CDD.

Je cherche, je cherche et je ne trouve rien. Mon amoureux est parti tôt ce matin avec sa grosse voiture (monsieur conduit un Q7 qu’il a gagné dans une loterie). Moi je me retrouve avec une pastèque sur la tête et aucun moyen de la faire disparaître.

Tentant de me calmer, j’allume la télé et je tombe sur une des émissions barbantes de la cinq … Un truc politico-social. Le thème du jour : Le voile à l’école, laïcité, liberté où est la frontière ? Rien qu’avec le titre on sait que 80% des ménagères ont déjà zappées. Je n’ai jamais compris pourquoi ça faisait chier les gens qu’une personne porte le voile. Elle n’incite personne! Les gens savent faire la part des choses. Pffff, enfin bon.

Oh pinaise, face à cette question où le petit aigri s’engueule avec le grand tout maigre une idée naît dans mon esprit. Petit 1, je nôte dans mon calepin que Moi, Elodie, j’ai eu une idée. Et petit 2, je me prépare pour mon oral.

Des collants, un jean, un t-shirt, un sous-pull, un pull, une veste, un manteau, une écharpe, un bonnet. Me voilà « ready to go » pour mon oral. Juste un petit détail pour réussir mon plan, me procurer un voile. Car grâce à celui-ci je passerai inaperçue avec mon nez couleur tomate.

Jamais je n’aurai cru qu’un simple voile changerait le visage et le comportement des gens. Je ne m’intéressais qu’à mon propre visage à ce petit oral de merde et je ne voulais pas être ridicule avec mon nez fluo.

J’en ai plus rien à foutre de ce nez fluo.

J’avais trouvé un voile et me le suis mit de suite. J’ai ensuite pris le bus et je suis partie pour mon oral. Et là, je me suis rendue compte que les gens me regardait louchement. Au début je me suis dit, les gens savent, ils remarquent mon nez, mais c’était impossible, car même si celui-ci était remplit d’un rhume horrible, j’avais exagéré il n’était pas non plus si affreux et surtout pas sous un voile. Mais c’est lorsque qu’un homme m’a bousculée en m’insultant que j’ai compris ces regards. C’était un regard méchant porté sur mon voile. Comme si j’avais changée, comme si j’étais une sous-merde. Je me suis dit que j’étais dans un bus de con, qu’une fois à l’université les gens seraient ouverts donc j’ai attendu mon arrêt et je suis descendue, le regard fier. Je n’allais pas non plus me rabaisser devant eux.

Je suis rentrée dans l’université et j’ai eu droit a des réflexions cachées, des insultes pourries et des regards indescriptibles. Ce n’était pas non plus le cas de tout le monde ; mais j’ai vu que pour certains ce petit morceau de tissu gênait. Surtout que je ne l’ai pas signalé, mais je suis blanche comme un cul, donc le contraste ne fut que plus stressant pour mes détracteurs.

Je suis arrivée devant ma salle et j’ai attendu. Je suis tombée sur un prof adorable, il n’a fait aucune remarque sur ce voile et m’a laissé exposé mon oral sans soucis. Je suis partie heureuse de voir que parfois il reste des gens qui nous prouve que rien n’est perdu.

De plus mon stratagème avait marché. « Nez en moins », cette petite astuce, choisit pour cacher un rhume exponentiel m’a ouvert les yeux sur la mentalité de certains. En conclusion je souhaiterao que de nombreuses personnes choppent un rhume horrible cette hiver, juste pour qu’ils ouvrent les yeux sur la connerie de certains, voir (parfois) de la leur.